Mariage, famille, société.
Le mois dernier nous avons noté que l'idéologie du genre est une conséquence de l'individualisme contemporain pour lequel il n'existe aucune « nature humaine », mais seulement des individus avec des droits de plus en plus étendus. Voyons comment cette mentalité bouleverse aussi la notion de famille.
Dans la plupart des sociétés, l'institution du mariage était l'objet de beaucoup d'attention car elle est intimement liée au renouvellement des générations. Parfois même les mariages « arrangés » se faisaient sans l'accord des époux : les pièces de Molière en témoignent. Le Concile de Trente avait décrété en 1563 que seul le consentement des époux est requis, mais le Parlement de Paris n'avait jamais voulu enregistrer ce qu'il considérait comme une atteinte aux droits des parents. Dans cette perspective, les personnes étaient sacrifiées au bien (?) des familles ou de la société.
Nous sommes dans la situation exactement inverse : la vie sentimentale et sexuelle est vue comme une affaire privée qui ne concerne que l'individu. Ses répercussions sur la société ne sont pas prises en compte, de sorte qu'au nom du respect des différences, toutes les pratiques devraient être considérées comme équivalentes, et l'on risque des poursuites judiciaires en critiquant telle ou telle. Elles n'ont pourtant pas toutes les mêmes conséquences sociales.
L'amour libre a peut-être ses charmes, mais le fait d'être abandonné pour un partenaire plus performant ne laisse-il pas des traces ? Et les enfants ont-ils tort d'aspirer à vivre avec un père et une mère qui s'entendent bien ? Ce problème ne se pose pas pour les couples de même sexe, mais qu'en est-il du renouvellement des générations ? Qui soignera les vieux ?
Il n'est pas politiquement correct de s'inquiéter du « coût social » de ces manières de vivre qui s'écartent du mariage fidèle et fécond, il est pourtant considérable. Mais plus encore, l'expérience de l'amour, et même de l'amitié, ne montre-t-elle pas que l'homme n'est pas un individu auto-suffisant, mais une personne qui trouve son épanouissement dans les relations avec les autres, en se donnant, en accueillant ? Ne trouve-t-on pas de la joie dans des efforts qu'on peut faire pour autrui ? A l'opposé, seul le cynisme ou l'inconscience expliquent que l'on veuille profiter des avantages qu'offre la société sans y contribuer soi-même. Le fanatisme religieux est redoutable, mais le refus de Dieu est toujours source de folie. C'est bien ce qui est en jeu dans l'individualisme actuel où le « moi » est divinisé. J.J.Fauconnet.
